Issu d’une famille musicienne, il a eu son père pour premier professeur. Au conservatoire Verdi de Milan, il a étudié la composition avec Paribene et Ghedini, la direction d’orchestre avec Votto et Giulini. Il a subi l’influence de Dallapiccolla, son maître à Tanglewood (États-Unis). Certaines de ses premières œuvres commeNones (1954) sont d’inspiration sérielle.
En 1955, Luciano Berio fonde avec son ami Bruno Maderna le studio de phonologie de la R. A. I. à Milan. Luigi Nono se joint à eux. C’est l’époque vive des premières découvertes électroacoustiques ; il écrit Thema (Omaggio a Joyce) [1958]. Dans ce lieu ouvert viennent travailler de jeunes compositeurs de tous pays, comme André Boucourechliev. Berio s’affirme comme un pionnier, un explorateur. À partir de 1960, il donne des cours à Darmstadt (mais là, on l’entend le soir improviser du jazz au piano, avec Maderna), à Darlington, à Mill’s College (Californie), à Harvard, à l’université Columbia. Il s’intéresse au rock, au folk, leur consacrant des essais et les mêlant dans le creuset de sa musique, laquelle est une musique libre, sans frontières. Berio a sondé, d’abord dans la clarté de l’intuition, puis prudemment, lucidement, des domaines originaux et longtemps oubliés de notre culture occidentale, en particulier celui de la voix, qu’il a littéralement libérée. La figure étrange et passionnée de Cathy Berberian apparaît dans sa vie et devient l’âme de sa création en même temps que l’« instrument » adapté à ses recherches : Cathy Berberian va créer nombre de ses œuvres.
Tout en enseignant la composition à la Juilliard School of Music de New York, Berio fait de nombreux voyages. Fulgurant, éclatant, limpide, baroque, fou de théâtre et de littérature, il dévore les poètes (Joyce, Cummings, Sanguineti). La mort de Martin Luther King l’émeut profondément, O King (1965, créé en 1967). Proustien, Berio retouche sans cesse ses œuvres, élabore de nouvelles versions. Tout en aimant l’Amérique, il ne tranche pas ses racines italiennes. Il ne se laisse, de toute façon, enfermer dans aucun clan. On ne trouve chez lui aucune trace de parti pris théorique, aucune gratuité abstraite. Son intelligence prend appui sur la vie, sur une imagination généreuse, sur un esprit d’invention, une chaleur méditerranéenne qui garde le contact entre les hommes et l’art. Il libère une expression verbale souvent affective, spontanée, immédiatement descriptive : murmures, cris, souffles, pleurs, bruissements, onomatopées attachés à la vie corporelle. Il libère la respiration. Sa musique semble couler de source ; l’élégance de l’écriture en cache les complexités.
Circles (1960), ou encore la série des Séquences (Sequenza I à XI, 1958-1988) pour instruments solistes, inventent, dans un jeu de manipulations et de métamorphoses, des formes nouvelles, et il en va de même de la série parallèle des Chemins. Voix ou instruments sont poussés à l’extrême limite de leur virtuosité, arrachés à leur tradition, élargis. Epifanie (1961) suit la même évolution : textes de poètes, écartelés, au bord du tragique. Harmoniste raffiné dans Folk Songs, Berio se montre un maître de la technique de la variation dans la série Chemins (1965-1975), où des commentaires variés à l’infini laissent apparaître des « collages ».Passagio (1962, créé en 1963), Laborintus II (1965), Recital I (1972) sont des approches très personnelles du théâtre musical. L. Berio semble être imprégné de tout ce qui vit, pour le laisser réapparaître tôt ou tard. On rencontre dans Sinfonia (1968) l’amour de Mahler, dans Sequenza VII (1969) pour hautbois un goût de la lumière, et, un peu partout, les jeux de la mémoire de ce qui fut aimé, entendu, rencontré. Chez Berio se côtoient des inflexions vocales ou instrumentales proches du jazz, la tension du nô japonais, l’esprit contemplatif de la musique indienne. Partout, le compositeur recrée des situations déchirantes ou paisibles.Coro (1976) est sans doute l’un des sommets de son œuvre, une anthologie de l’homme, de son aventure et de son paysage intérieurs. Les langues, les folklores, les styles y sont brassés avec violence et tendresse.
Après avoir dirigé jusqu’en 1980 le département électroacoustique de l’I. R. C. A. M. à Paris il devint responsable de l’antenne de cet organisme à Milan. Après Opera (1969-70), des œuvres comme Linea (1974),Points on the curve to find (1974), Coro (1976), les opéras La vera storia (Milan, 1982), Un re in ascolto (Salzbourg, 1984) et Outis (Milan, 1995), Formazioni pour orchestre (1986), Concerto II « Echoing Curves »(Paris, 1988), Festum pour orchestre (Dallas, 1989), Chemins V pour guitare et orchestre de chambre (1992) ont montré que Berio avait encore le pouvoir de surprendre.
Le compositeur s’explique : « Je crois qu’il faut vivre dans l’esprit de la fin de la Renaissance et des débuts du baroque, dans l’esprit de Monteverdi qui inventait la musique pour trois siècles à venir… »
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