Éclat (1965) | Ensemble instrumental (15 musiciens) | 8′
Compositeur et chef d’orchestre français (Montbrison 1925-Baden-Baden, Allemagne, 2016).
Chef de file, en France, des mouvements sériel et postsériel, Pierre Boulez est à l’origine d’importantes recherches dans le domaine de l’invention sonore. Il a également étendu sa démarche créatrice au fonctionnement des institutions nécessaires à la diffusion de la musique contemporaine.
Après des études de mathématiques supérieures à Lyon, Pierre Boulez arrive à Paris en 1942 pour entrer au Conservatoire. Il y suit les cours d’Olivier Messiaen, puis travaille le contrepoint avec Andrée Vaurabourg, épouse d’Arthur Honegger, et la technique dodécaphonique avec René Leibowitz. Lauréat du premier prix d’harmonie (1945), il est nommé directeur de la musique de scène de la Compagnie Renaud-Barrault (1946). Sous ce patronage, il fonde, en 1953, les Concerts du Petit Marigny, qui deviennent, l’année suivante, ceux du Domaine musical – il en cédera la direction à Gilbert Amy en 1967.
En 1958, Boulez se fixe à Baden-Baden, où il a créé trois ans plus tôt le Marteau sans maître, pour voix d’alto et 6 instruments. Membre éminent de la Musikakademie de Bâle (1960-1966), il est invité en même temps par l’université de Harvard (1962-1963). Son activité de chef d’orchestre s’internationalise : il crée Wozzeck (Alban Berg, 1925) à l’Opéra de Paris en 1963, donne des concerts avec l’orchestre de Cleveland, dont il est le conseiller musical (1970-1971), puis succède à Leonard Bernstein à la tête de la Philharmonie de New York (1971-1978), tout en occupant le poste de chef principal du BBC Symphony Orchestra à Londres (1971-1976).
En 1975, Boulez prend la direction du tout nouvel Ensemble InterContemporain et, en 1976, il préside à la fondation de l’I.R.C.A.M., l’année même où il est nommé professeur au Collège de France. Cette année 1976, décidément féconde, est encore celle où il est appelé à Bayreuth par un petit-fils de Richard Wagner, Wolfgang, pour y diriger la Tétralogie donnée à l’occasion du centenaire du Festival et mise en scène par Patrice Chéreau.
Après son départ de l’I.R.C.A.M., en 1991, Boulez ne se consacre plus qu’à la composition et à la direction de prestigieux orchestres comme le London Symphony Orchestra et l’Orchestre philharmonique de Berlin. C’est à Bayreuth, en 2004, qu’il fera ses adieux de chef d’orchestre.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le compositeur se trouve face à un défi, qui est celui de l’organisation rationnelle de tous les paramètres du monde sonore. Ses premières œuvres se situent dans l’héritage des trois Viennois, Schoenberg, Berg et Webern : Sonatine pour flûte et piano (1946), Première Sonate pour piano (1946), Deuxième Sonate pour piano (1948), Livre pour quatuor (1949). La généralisation sérielle ne s’accomplit que dans Polyphonie X pour 18 instruments solistes (1951) et dans le premier livre des Structures pour deux pianos (1952). Pour Boulez, également, certaines possibilités de choix doivent esquisser de nouveaux rapports entre l’interprète et le compositeur.
En réalité, Boulez avait soulevé cette question du choix dès le Livre pour quatuor. Celle-ci est récurrente dans le second livre des Structures pour deux pianos (1956) et dans la Troisième Sonate pour piano (1957). Figures-Doubles-Prismes pour grand orchestre (1958) remet en question l’organisation fixe de l’orchestre, tandis que Éclat pour orchestre (1964), devenant en 1966 Éclat-Multiples, pose le problème de l’interprétation des signes directionnels. Dans Domaines (1968), le clarinettiste solo sollicite tour à tour six groupes instrumentaux et détermine ainsi la forme de l’œuvre.
D’autre part, Boulez se passionne pour les rapports du texte et de la musique. Après le Visage nuptial (1947, 1re version) et le Soleil des eaux (1948, 1re version), c’est encore à René Char qu’il s’adresse pour le Marteau sans maître. Le texte et son contenu conditionnent la structure : trois cycles très différenciés s’interpénètrent autour d’un noyau – le poème –, dont les deux pièces instrumentales constituent le commentaire. Le compositeur poursuit sa recherche avec les trois Improvisations sur Mallarmé (1957-1959), avec Poésie pour pouvoir (1958), d’après Henri Michaux, puis avec Cummings ist der Dichter… pour chœur et orchestre (1970-1986).
Boulez porte au plus haut degré le souci de l’invention sonore – il ne faut pas oublier son stage chez Pierre Schaeffer (1952), où il a réalisé les Deux Études de musique concrète. Son goût pour le raffinement des timbres éclate dans le Livre pour cordes (1968), dans les combinaisons d’Éclat, dans la libération totale des sons d’Explosante-Fixe (1972-1974) et dans la grandeur hiératique de Rituel in memoriam Bruno Maderna (1974-1975).
À partir de 1964, Boulez poursuit principalement son idée de work in progress, d’« œuvre en devenir », impliquant que la musique peut être transformée à l’infini. Ainsi, Pli selon pli, élaboré en 1960, ne trouve sa version définitive qu’en 1969. Ainsi, Figures-Doubles-Prismes pour orchestre (1964) est un nouveau travail, très expressionniste, de ses Doubles de 1957 et le Livre pour cordes (1968), un élargissement pour orchestre du Livre pour quatuor. Boulez donne donc une série de miroirs d’un premier état. Cette démarche est l’un des fondements de Répons pour ensemble de chambre, 6 solistes et dispositif électronique (1981-1988), qui concrétise les résultats de travaux de plusieurs années à l’I.R.C.A.M. Elle trouve son prolongement dans les ouvrages en plusieurs versions que sont Dérive pour 6 exécutants (1984) et Dérive 2 pour 11 exécutants (1988-2002), ainsi que Anthèmes pour violon seul (1992) et Anthèmes II pour violon et dispositif électronique (1997).
Pour imposer la musique du xxe s. et ses conceptions personnelles, le compositeur a dû s’engager très tôt dans la polémique (Schoenberg est mort, 1952), et maintes œuvres ont été accompagnées d’une réflexion théorique (Son et verbe, 1958). Relevés d’apprenti (1966) réunit des articles parus avant 1962. Penser la musique aujourd’hui (1963) est « une investigation méthodique de l’univers musical ». Par volonté et par hasard (1975), Points de repère (1981) et Jalons pour une décennie (1989) actualisent cette réflexion.
Pierre Boulez décède le 5 janvier 2016 à l’âge de 90 ans, un an après l’ouverture de la Philarmonie de Paris, salle de concert pour laquelle il s’était fortement impliqué.
Pour recevoir nos informations,
inscrivez vous à notre newsletter !