Le second mouvement a également tout d’une « aventure instrumentale ». Mais, contrairement aux oeuvres vocales ainsi intitulées (Aventures et Nouvelles Aventures ont été composées respectivement en 1962 et 1965), ce n’est plus celle du (non) sens, mais celle d’un point de vue, d’une perspective : ce que Ligeti a appelé la « technique des fenêtres ». Un même paysage sonore qui défile, percé d’ouvertures qui ouvrent sur lui-même, ou sur d’autres percées qui à leur tour le dévoilent… (peut-on encore parler de « variations » ?). Dans cette aventure, un procédé cher au compositeur — et appelé à un développement important dans les oeuvres ultérieures — trouve sa place : la superposition en différentes strates de figures rythmiques asynchrones, à la façon d’un mécanisme de précision déréglé (comment ne pas songer au Poèmes symphonique pour 100 métronomes de 1962 ?).
Le premier mouvement, quant à lui, évolue dans l’atmosphère raréfiée si caractéristique de certaines pièces antérieures, celle précisément d’Atmosphères (1961). Une seule note — quand a-t-elle commencé d’exister ? — est imperceptiblement brouillée pour former un cluster ; dans le même calme, celui-ci conduit à une nouvelle immensité : un si bémol qui s’étend sur cinq octaves (c’est un tel espace qui ouvre la Première Symphonie de Mahler).
Peter Szendy