Les promenades musicales de Palimpseste sont co-conçues par l’artiste promeneur Hendrik Sturm, le compositeur Jean-Christophe Marti et Sébastien Boin, directeur musical de l’Ensemble C Barré. Il s’agit d’articuler l’expérience d’un territoire et des propositions musicales qui font véritablement sens envers cette expérience. La préparation partagée in situ est donc déterminante, lors d’une résidence d’Hendrik Sturmde deux semaines, ponctuée de repérages communs. L’itinéraire de la promenade et ses axes thématiques se conçoivent donc parallèlement à l’émergence des propositions musicales. On ne peut d’ailleurs réduire ces promenades à une seule thématique. L’ouverture, la superposition et la diversité des strates historiques, sociales, géologiques, etc. (d’où le mot palimpseste avec les tours du Télégraphe Chappe comme repères) sont essentielles. La musique ne « décore » pas une promenade, elle développe ses expériences propres, à la fois résonnantes des territoires abordés et autonomes.
La première promenade [18 et 19 septembre 2021, depuis la Traverse du Télégraphe jusqu’à la Place des Moulins, Marseille] est une confrontation choisie entre des musiques et les puissants volumes sonores de l’environnement urbain. Ainsi, les deux tams de Having Never Written a Note for Percussion de James Tenney recouvrent les bruits de l’autoroute, puis les font ré-émerger. Asphyxia de Panayotis Kokoras émet une transformation étonnante des souffles, angoissante, cocasse ; Stay On It d’Eastman, pièce sur le mouvement de la marche, résonne dans une rue passante ; Haylanduru 1 (L’eau souterraine) de Marti, création spécifique, reprend le thème des réseaux souterrains développé lors de la promenade.
Le programme musical de la deuxième promenade [22 et 23 octobre 2021, depuis le col du Télégraphe jusqu’au centre-ville de Lançon-Provence] est une suite de solos, sorte de relais dans les garrigues façonnées par de nombreuses techniques (récoltes et stockages, chasse, réseau pétrolifère et gazier, émetteurs, terrains militaires…). Trompette (Scelsi), percussions (Lou Harrison), cymbalum (Kurtag), violoncelle (Britten), accordéon (Moussorsgski) se relaient et se rassemblent en fin de parcours pour Haylanduru 2 (À contre-vent), évoquant les dures conditions du labeur des stationnaires du Télégraphe, dont les marcheurs ont éprouvé le déplacement pendulaire lors de la promenade.
La troisième promenade [23 et 24 mai 2022, depuis le rond-point des célibataires, Les Pennes-Mirabeau jusqu’au Plan d’Aou, Marseille] rapproche des notations musicales graphiques et les cartes utilisées pour « tracer » les territoires. Les partitions de Buddha d’Eastman et Treatise de Cardew dessinent un parcours que les musiciens réinventent, avec la participation du public pour les pages de Cardew affichées et jouées dans un abribus. Les relevés ethnographiques de Jaime de Angulo résonnent avec des vestiges de l’Oppidum de Verduron. Haylanduru 3 (Nuits, auras) est un cheminement sonore mêlant des perceptions urbaines nocturnes et lumineuses.