More sweetly forgot – plus doucement oublié(e) – est un recueil de quatre mélodies sur des vers de Sapphô. Comme la plupart de ses poèmes, ils ont été écrits pour être chantés, avec une musique qui n’est plus ; ils nous sont parvenus en fragments très courts, souvent de la taille d’un mot.
Sapphô, la poète libre et célèbre, la musicienne lesbienne et inventive, a souvent été trahie par les traducteurs qui, jugeant les fragments trop courts, les ont reliés et modifiés. La poète canadienne Anne Carson, sensible à l’effacement, en propose une version plus stricte, où les fragments sont donnés littéralement sur des pages presque blanches. Elle invente même un signe pour la disparition : le caractère ] indique la trace d’un mot illisible ou manquant.
J’ai voulu transcrire les vides, tout comme les mots. Ainsi, dans la première mélodie, le chant sur des consonnes rappelle les mots perdus. Ces articulations de la voix sont reprises par les instruments, qui créent une toile d’échos et de doubles.
La deuxième mélodie est bâtie sur un seul mot : youth – jeunesse. Il est extrêmement touchant de le lire sur un manuscrit qui a plus de deux mille ans. Ce mot, qui a survécu à la disparition de tous les autres du même poème, est un symbole de résistance. Il ne faut pas être jeune, mais rester jeune.
La troisième mélodie, en sprechgesang, montre une autre manière d’aborder la disparition et l’oubli. La voix parlée semble la trace d’un chant. À force de créer le silence autour (la soprano demande à plusieurs reprises de jouer plus doucement – more sweetly), on finit par l’entendre : c’est l’amour de Sapphô.
Pour finir, une mélodie très lente. Un message tendre et presque visionnaire : quelqu’un plus tard se souviendra de nous.