Il s’agit donc d’une œuvre en creux, qui repose sur cet étonnant paradoxe qu’il faille recourir à cet impressionnant arsenal de percussions pour donner la dimension du silence. Et Ohana orchestre superbement ce jeu des contraires auquel il s’adonne toujours avec délices, et sans jamais faire fi des contradictions. Au moment de la création française du Silenciaire, il confiait au cinéaste Paul Seban : «Le silence absolu, le silence total doit être quelque chose peut-être d’insupportable. (…) Vous savez bien qu’on est excédé par le bruit et à quel point on souhaite le silence». Il ajoutait : «Il y a une sorte de méditation à mener sur le silence», et son œuvre en est une illustration éloquente, dans une dialectique désir/angoisse du silence. En même temps, c’est une méditation sur la raison même de la musique, qui naît du silence et y retourne, et on ne peut s’empêcher de penser à cette sentence d’un sage chinois qu’affectionne Henri Dutilleux : «Si ce que tu as à dire n’est pas plus beau que le silence, alors tait toi.»
Extrait de «Maurice Ohana», par Édith Canat de Chizy et François Porcile, éditions Fayard