Songs of Spam s’inspire de textes issus de mon pourriel. Ces messages indésirables, souvent grossiers, font usage des techniques de marketing les plus agressives (mensonge, manipulation, menace), laissant transparaître de façon plus claire que d’autres annonces que la publicité est un mécanisme de contrôle. Ayant découvert au fil de l’écriture que ce qui m’intéressait était le mode de discours et non pas l’origine des paroles, j’ai diversifié les sources : si le premier texte est bel et bien un message de spam, les autres viennent de Youtube, d’une église de Sicile et d’un télé-achat.
J’ai choisi pour la première pièce une arnaque classique, connue sous le nom de fraude 4.1.9 ou Nigerian Prince : un prétendu prince Nigérien a besoin d’un intermédiaire pour sortir une grande quantité d’argent de son pays ; si on lui donne nos détails bancaires, il s’en sert pour nous voler (la version que j’ai choisie prend une tournure de science-fiction, avec un prince astronaute bloqué dans l’espace). J’ai appris que ces arnaques (qui marchent surtout dans des pays riches) sont souvent organisées par des universitaires nigériens qui ont besoin d’argent pour payer leurs études, ce qui donne à ce crime un côté inattendu de justice sociale.
La deuxième pièce a peu de texte. Elle est construite sur l’expression billions and billions, que Donald Trump utilise constamment de façon exagérée ; j’ai été frappé par une vidéo où ces mots répétés roulent dans sa bouche avec un plaisir obscène. Comme le spam, ces mots portent un message insistant : je sais gérer l’argent, car je suis riche. En réalité, les business de Trump ont tendance à faire faillite, mais il sait très bien que les apparences comptent plus que la vérité. Sur ces mots, j’ai bâti une courte marche fatale : celle de la crise écologique que nous vivons.
Le cas de La madonnina piange est moins évident : il s’agit du récit d’un miracle dans la ville de Siracuse, en Sicile : on y raconte que la vierge a pleuré des larmes humaines. Bien que cette petite histoire fantastique ne semble avoir aucun rapport avec le spam, c’est à travers l’abondance de petits gestes en apparence inoffensifs que l’église catholique a déployé une stratégie visant le contrôle mental (à travers la confession) et économique (le denier) de ses fidèles – et même, à travers sa presse, ses banques et ses lobbys, du reste de la société.
Le dernier texte est l’annonce télé-achat d’un extenseur de pénis. J’ai choisi de parler plutôt d’un extenseur de nez, pour montrer combien il peut être inutile de changer une partie de son corps pour devenir plus heureux. Les publicités s’attaquent souvent à nos corps, parce qu’en détruisant notre confiance ils nous rendent plus vulnérables à la consommation. Réfléchir, en parler ou en écrire, me semblent des actes de résistance nécessaires.
Mikel Urquiza