Les sons, les bruits, l’écoute… A travers tout le XXe siècle, de nombreux compositeurs ont travaillé sur cette problématique de l’écoute. De Luigi Russolo et son manifeste futuriste (L’arte dei Rumori, 1913) à Raymond Murray Schafer et son écologie sonore en passant par Edgar Varèse, John Cage, Lamonte Young, Feldman ou encore Pierre Henry et Pierre Schaeffer, tous ont apporté par leurs écrits, réflexions et compositions un regard nouveau sur la place du son dans notre environnement.
Néanmoins, force est de constater qu’aujourd’hui, plus de cinquante ans après les 4’33 » de Cage, notre espace sonore est envahi, rempli au maximum. Notre écoute en est pour le moins transformée, si ce n’est abimée (usage intensif du format mp3…).
Ce projet est né de l’écoute attentive d’un lieu. Un environnement naturel, vivant, reflet de l’humanité du XXIème Siècle. Il propose un ré-apprentissage de l’écoute d’un environnement sonore familier. Une sorte de travail d’entomologiste du son au service des oreilles des auditeurs.
Nos oreilles sont aujourd’hui habituées à écouter prioritairement ce qui est donné à entendre par le monde actuel. Elles trient et laissent souvent de côté, par manque d’attention, de temps, ou de décision, les sons qui nous entourent et habitent un lieu donné. Par le concept général du concert, les gens sont habitués à venir s’assoir et à attendre le début de la prestation en discutant, en regardant leur téléphone ou en lisant une note ou un journal. Dès que les artistes entrent en scène, commence alors l’écoute. C’est à dire que le cerveau envoie à l’oreille l’ordre d’écouter. Ce positionnement prend fin quand on a fini d’applaudir, le concert étant terminé. On retourne alors à une écoute plus ciblée des choses que l’on a besoin d’entendre par nécessité.
L’environnement architectural dans lequel nous vivons transforme notre écoute. Les sons se servent des éléments qui nous entourent pour sonner et il apparaît évident que nous n’écoutons pas de la même façon si nous vivons en pleine ville ou en pleine campagne. Nos oreilles se façonnent peu à peu en relation à notre architecture environnante. Cette constatation sert de base au projet de partition graphique de cette œuvre électroacoustique mixte.
Par ce projet, on instaure un autre rapport au concert et donc à l’écoute. Le public est invité à venir s’assoir dans un lieu donné, au sein d’un dispositif d’écoute particulier. Les gens doivent se sentir presque seuls face à l’environnement, comme lors d’une balade au sommet d’une montagne, lorsque l’on s’assoit quelques temps pour savourer le moment présent.
En trois phases, l’œuvre, une création électroacoustique mixte, va se révéler in situ. Partant des sons naturels du lieu (les sons endémiques, produits de façon non intentionnelle), elle y retournera après un parcours amplifié à l’aide d’un dispositif électroacoustique mixte soigneusement disposé dans l’espace du concert.
Une partition graphique, s’appuyant sur l’architecture du lieu permettra aux musiciens interprètes d’interagir (en épaisseur) sur les sons électroacoustiques.